Voir ici les photos concernant notre randonnée à Mérindol
Une belle journée s’annonce et chacun a un beau sourire lorsque nous nous retrouvons sur le parking des Gorges du Régalon.
Lorsqu’on s’engage dans l’étroit canyon, on se sent ailleurs… dans une ambiance particulière ! (Créées il y a près de 6 millions d’années par la formation des Alpes, les Gorges de Régalon offrent un extraordinaire canyon, parfois obscur et étroit. Des dépôts de sable atteste du passage de la mer il y a 2 millions d’années).
Effectivement, très vite les parois se rapprochent ! Pas de variante possible : un seul sentier navigue entre les rochers. On y sent une certaine humidité et aussi parfois on aurait de l’eau jusqu’aux chevilles, mais des cailloux bien calés nous protègent. On a le sentiment d’entrer dans les entrailles de la terre. Des blocs rochers sont coincés dans les étroitures, on traverse un vaste tunnel, on grimpe quelques ressauts rocheux, on remonte des toboggans glissants… On se suit les uns derrière les autres, quelquefois on passe dans une grotte, et quelquefois, ici et là un îlot de verdure… On avance toutefois assez vite, on se régale, on se tire, on se pousse ! L’aventure est toujours présente dans ce surprenant couloir ! Mais, aussi, on écoute le silence, on se retrouve dans une demi-obscurité… Ah les jolis frissons ! Inquiétude ? Pas du tout, pas plus que ces hommes qui ont habité, il y a maintenant longtemps dans ces grottes que l’on voit en haut dans les falaises. Malgré la pénombre, et sans doute favorisée par l’humidité ambiante, la végétation n’est pas absente. Elle cherche la clarté et ici les arbres s’étirent, s’allongent. Les lierres rampent le long des parois et le chêne vert comme le buis nous invitent à lever la tête, haut… très haut pour voir à qui attribuer ces troncs d’arbres en forme de serpent.
Oui… c’est vrai qu’on quitte les gorges à regret. Après une heure d’amusement le couloir disparait pour laisser place à un sentier qui grimpe doucement jusqu’au vallon de la Galère que l’on suit toujours à l’abri du vent.
A cet endroit le groupe se scinde en deux, il y a ceux qui partiront rejoindre le vallon de Roque Rousse et la Tête des Buisses avant de redescendre vers le Trou du Rat et remonter le vallon où les ruines de La Perrossi sert de jalon avant de rejoindre le sentier qui conduit aux Mayorques.
Mais on prend tous de la hauteur sur une large piste qui nous offre de fantastiques panoramas et surtout un beau ciel bleu !
On retrouve la ferme des Mayorques pour notre déjeuner. Cette ferme a été habitée jusqu’au milieu du XXe siècle avant d’être, de façon saisonnière, une halte pour les troupeaux et les bergers transhumants. Aujourd’hui on a de la chance : il y a longtemps que le dernier troupeau est passé ce qui nous permet de nous installer sans odeur pestilentielle comme c’est quelquefois le cas ! La ferme des Mayorques a été restaurée par le Parc du Luberon, comme nous l’expliquent les nombreux panneaux d’information, et donc sauvée de la ruine. On y apprend que le mot « crau » désigne en Provence une étendue plate (en plaine ou sur un plateau), caillouteuse mais avec de l’herbe qui permet la pâture aux moutons. Quelques uns discutent au soleil, il fait si bon, d’autres s’aventurent pour faire le tour de la ferme et de ses dépendances et surtout admirer les beaux chênes verts et les amandiers qui l’entourent.
Fiers de nos découvertes on reprend notre cheminement en nous retournant une dernière fois pour admirer la ferme qui nous a accueillis pour ce moment de détente. Nous atteignons assez vite la brèche de Croupatas qui nécessite de notre part de la prudence car la descente est parfois périlleuse. Nous pouvons quand même profiter des belles vues sur la Durance (non ce n’est pas un lac de montagne), sur la chaîne des côtes et parfois sur la Tour des Opiès, point culminant des Alpilles. La descente est vite expédiée, trop vite à notre goût. Alors on en profite pour raconter quelques histoires qui ont un rapport avec notre balade (résumé en fin de page).
A Barrié on est au bas de la descente où l’on traine toujours un peu les pieds : la balade était courte… Mais elle fait toujours son effet et surtout un grand plaisir à tous les randonneurs !
Cotation : B2 – J – 15 km – 750 m dénivelée – 19 randonneurs.
Le vallon de la Galère :
C’est autour de 1500 que les premières condamnations aux galères sont jugées et en 1560 une ordonnance de Charles IX crée la « Chiourme » qui est l’ensemble de la troupe des forçats d’une galère. De nombreux condamnés sont désormais affectés et enrôlés aux Galères Royales. C’est sous Louis XIV que la flotte des galères est à son apogée : 40 galères. Chacune comprenait plus de 300 rameurs qui étaient composés de 3 catégories d’hommes : des esclaves (« Turcs »), des volontaires (« bonevoglies ») et des forçats. Si les esclaves s’achetaient sur des marchés les forçats pouvaient être des contrebandiers, des déserteurs, des voleurs misérables mais aussi… des protestants. La contrebande, à l’époque étaient surtout liée au sel et au tabac : 9 ans de galères. Les déserteurs avaient le nez ou les oreilles coupées et marqués aux 2 joues de fleurs de lys. Les protestants n’avaient commis aucun crime, mais ils étaient condamnés aux galères perpétuelles avec la mention « RPR » (religion prétendue réformée).
La peine des galères commence avant d’arriver sur le bateau à Marseille : d’abord la prison surpeuplée en attendant la mise en place de la fameuse « chaîne ». En effet, cette longue marche, chemin de souffrance, s’effectue à pied, alourdis par le poids des fers et auxquels s’ajoutent les privations et les mauvais traitements. Les prisonniers étaient unis 2 à 2 par une chaîne au milieu de laquelle il y avait un anneau. Le couple de forçats était relié au couple précédent et au couple suivant par une autre chaîne qui passait par cet anneau. Cette longue procession pouvait compter jusqu’à 400 personnes…
C’est en référence à ces chaînes que nous trouvons ici et là : « vallon de la Galère », « chemin de la Galère », etc…
Les Vaudois :
Les Vaudois, les « Frères », ou les « Pauvres de Lyon » comme ils s’appelaient entre eux étaient les disciples d’un marchand lyonnais Vaudès, ou Valdès qui à la fin XIIe siècle, touché par la parole du Christ dans l’évangile selon St Mathieu, invite tous ceux qui veulent le suivre à vendre ce qu’ils possèdent et à vivre dans la pauvreté. Excommunié par le pape, ce mouvement s’est développé et a atteint son apogée au XIVe siècle où les Vaudois s’installent dans le piémont Italien.
Au milieu du XVe siècle, le Luberon est désert, tous les habitants se sont enfuis suite aux épidémies de peste ou les ravages des grandes compagnies.
Les seigneurs qui possèdent ces lieux font venir les Vaudois qui s’installent et développent des zones cultivées en vivant paisiblement et en remettant aux seigneurs les produits des récoltes et les animaux qu’ils élèvent. Sur le plan religieux ils ne se font pas remarquer, ils vivent en dehors des villages, se marient entre eux…
Mais les persécutions des guerres de religion, avec dans la région l’inquisiteur dominicain Jean de Roma, qui autour de 1530 va s’intéresser aux Vaudois va conduire à une chasse à l’homme confirmée par « l’arrêté de Mérindol » de 1540 qui condamne les « hérétiques » à être brûlés vifs après avoir confisqués leurs biens.
Les persécutions se sont poursuivies et les villages vaudois sont pillés, les hommes massacrés ou envoyés aux galères, les femmes violées avant d’être tuées. Certains vaudois sont vendus en esclavage… 23 villages vaudois du Luberon sont détruits le 19 avril 1545 par l’armée du baron d’Oppède qui extermine 3000 personnes en 5 jours et envoie aux galères 670 hommes en détruisant les cultures, les troupeaux qui fera mourir un nombre indéterminé de paysans. Un mémorial de ces évènements se trouve au-dessus de Mérindol.